Genre : post-rock/post-punk/doom/baroque
Pays : France
Label : Ramblin' Bastringue / Urgence Disk Records / Araki Records
Date de sortie : 12.05.2023
Prétendre que l’on sait à quoi s’attendre avant même d’écouter un groupe ou un album est généralement de mauvais augure. C’est synonyme de clichés, perçus ou avérés, et un potentiel manque de surprise qui se disperse (ou non) une fois la galette lancée. Fort heureusement, dans le cas du projet Glabre, il s’agissait plutôt d’une anticipation jouissive que d’une crainte de réchauffé. Car même si le nom du projet autant que de son premier-né plonge l’auditeur dans une atmosphère sombre avant même de pouvoir savourer les premières notes, cela permettra déjà de faire un tri entre les personnes les plus curieuses lorsqu’il s’agit de matière noire, et les autres qui se trouveront désemparées face à un projet si lugubre.
Ce qui surprendra peu, vu les genres cochés par Glabre, c’est la durée des six titres de ce premier jet. Tous tournent autour des cinq minutes, à l’exception de « Peu Importe Les Brâmes » et ses généreuses neuf minutes de spleen. Car c’est bien de cela dont on parle : n’imaginez pas une gothiquerie dansante, lorgnant entre EBM, dark wave et post-punk. Chassez-vous de la tête l’idée de thématiques sombres portées par des rythmes symphoniques et une voix cristalline. Il n’y a pas d’envolées épiques ici. Mais uniquement de la noirceur, de la douleur, portées par une voix déchirée, parfois plus parlante que chantante… Y compris en français (si des titres comme « Sombre Soleil » et « Les Sirènes Ce Soir » n’étaient pas suffisamment explicites). Et cela rajoute une petite touche d’originalité à ce type de musique tristement romantique, bien plus anglo-saxonne malgré de vieilles racines littéraires bien françaises. Ce « Sombre Soleil » justement est l’un des titres phares de l’album en mon sens, débutant par 40 secondes atmosphériques où seul un distant écho vient rompre le silence. Un récit presque prophétique se déploie à nos oreilles pendant encore une bonne minute et demie, avant que le refrain et sa rythmique presque martiale viennent enfin nous marteler les tympans. Un morceau tout en (apparente) simplicité, au rythme incessant. Simple et envoûtant. Ces rythmes qui « traînent la patte » font toute la force du projet Glabre, et donne un côté à la voix calme et pesant à presque l’ensemble des morceaux (citons aussi « Magnificent Manure » dans le genre, ou « The Joy Of Raw Anger », dont le titre nous dupe vers un titre plutôt doux et brumeux). En fait, seul « Alexitères » (« un remède contre les poisons et venins » si Internet dit vrai !) sort du lot avec son rythme plus rapide, plus nerveux, accompagnés par des cris plus que des paroles.
Somme toute, Glabre sort du lot par son mélange des genres, faisant un tout original en partant d’éléments certes obscurs, mais bien connus des aficionados. Des groupes aux parfums gothiques existent en France, parfois depuis de nombreuses années (on pense à Collection Darnell Andrea ou le travail fabuleux de richesse du couple derrière Die Form). Des rythmiques angoissantes, traînantes, pesantes sont le fleuron de plusieurs genres, doom et assimilés. Le chant en français est plus rare, mais rappelle le travail des Tétines Noires ou plus récemment de Schultz, alternant aussi entre le français et l’anglais. Mais c’est le tout mélangé qui fait de Glabre un projet plutôt surprenant, méritant de s’écouter au calme et avec un bon son, pour se laisser happer par l’univers sombre d’Alex Jacob. Le ton était donné dès le titre : « cacochyme » signifiant « de faible stature, d’une santé déficiente ». A défaut de rire beaucoup, Glabre nous aura appris quelques termes du lexique morose si cher aux auteurs romantiques. Un écrin de douleur dont on espère avoir une suite, perfectionnant ces éléments solides.