Genre : Thrash Metal
Pays : Etats-Unis
Label : Reigning Phoenix Music
Date de sortie : 17.05.2024
Il est sans doute bien inutile de préciser les attentes que suscitent cet album, au moins si le nom "Kerry King" vous dit quelque chose. Slayer fait énormément parlé de lui, cinq ans après sa fin. Entre une reformation express le temps de quelques festivals, un Kerry King exprimant un goût de trop-peu suite à la retraite du groupe, expéditive à ses yeux, et plus généralement les premiers vrais morceaux post-Slayer, pratiquement dix ans après l’ultime opus "Repentless"… il y a honnêtement de quoi avoir d’énormes attentes. Sans doute un poil trop exigeantes. Certes, King s’est concocté un line-up aux petits oignons, avec mon chouchou Mark Osegueda de Death Angel au chant notamment. Mais il ne suffit pas de faire revenir le tout aussi mythique Paul Bostaph pour avoir du Slayer (surtout si vous êtes plutôt team Lombardo comme moi), et si Osegueda est absolument magistral… On ne remplace pas un Tom Araya d’un claquement de doigts ! Mais était-ce finalement le but ?
On aurait envie de dire oui, tant Kerry King fait ce qu’il sait faire de mieux, et l’assume pleinement. La promo de l’album ne s’embarrasse pas du faux-semblant : King fait ce qui lui plait, offre des clins d’œil aux fans de Slayer (qui seront sans doute légions à se jeter sur cet album) et se moque d’avance des critiques qui diront tantôt que l’album est trop différent, ou trop calqué sur Slayer justement. La comparaison est inéluctable. Mais à défaut de s’imaginer un Slayer bis, bricolé ou de seconde zone… Est-ce qu’on irait pas plutôt vers une écoute plus distante, même si le maître-architecte lui-même prend la comparaison à bras le corps ?
Et à vrai dire, quitte à risquer le pétard mouillé… Vous vous attendiez à quoi ? Il est top cet album, tout en étant safe et connu. Il vrombit avant d’hurler. Il colle des salves de grosses baffes. Il jouit de son casting aux petits oignons pour se faire (et nous faire) rudement plaisir. Il n’a pas la prétention de réinventer la roue, parce que la roue… il l’a déjà plus ou moins inventé, il y a quarante ans de cela. Les fans de thrash seront aux anges, tout en rajoutant un énième disque à leur démesurément large discographie. L’album ne s’autorise aucune pause, ce n’est pas le style de la maison de proposer des petites ballades tranquilles pour reprendre son souffle. Avec Slayer on cravache, et on n’allait pas en faire autrement même avec une moitié du line-up. "Where I Reign", le premier titre de la galette, ne fait pas dans la dentelle, et déploie son tempo totalement maousse pour nous faire saigner les oreilles. "Residue" est plus lent, plus lourd, et tout aussi énervé. Et ça donne le ton pour le reste de l’opus finalement : la guitare sur "Idle Hands" est une véritable mitrailleuse et Osegueda s’époumonne à fracasser tous les miroirs à la ronde. Le pas presque militaire de "Trophies Of The Tyrant" est aussi soulignable, jusqu’à ce que le titre s’emballe dans un crescendo infernal, jusqu’au crash final. "Tension" avec sa guitare hypnotique et son pont mérite la mention aussi, de même que la bombe "Everything I Hate About You", aussi courte qu’intense. Ou encore "Toxic", pour des raisons similaires, et un Osegueda absolument déchainé. "Rage" est un véritable tour de force de la part de tous, en matière de rapidité surtout, mais il aurait été criminel de ne pas évoquer au moins une fois le jeu supersonique de Bostaph. "Shrapnel" sonne résolument Slayer-esque, se montre très généreux, et même un poil mélodieux parmi la pagaille hurlante et torturée déployée tout au long de ses cinq minutes, presque piles. Et la plage tutélaire permet de refermer l’album de l’exacte même manière qu’il a débuté… de la même manière qu’il nous accompagne tout du long : avec perte et fracas. Sans une once de pitié. Sans aucun répit. Uniquement de la violence, du sang et des flammes.
Donc ouais, d’énormes attentes… pour retrouver finalement exactement ce que l’on cherchait. A moins de s’attendre à une catastrophe industrielle en tout cas ! Cette première mouture du supergroupe du King est de très bonne facture, et si l’on s’attendait à du neuf en écoutant le monsieur affirmer haut et clair qu’il avait "encore des choses à faire avec Slayer", on aurait plutôt dû s’attendre à ce qu’il souhaite modestement continuer à composer ce qu’il fait de mieux. Et c’est exactement ce à quoi nous avons droit. Forcément, de la part d’un pionnier du genre, le "neuf avec du vieux" possède un bien meilleur goût que de nombreuses resaucées modernes bien appréciables, mais toujours avec un peu le même goût. Mais s’il y a d’innombrables mayonnaises, bien peu nombreuses sont celles qui arrivent au niveau de l’originale. Ce n’est pas les albums thrash récents qui manquent pourtant… Mais ils ont toujours une saveur un peu particulière quand c’est l’un des pères-fondateurs qui s’y collent. Slayer est (plus ou moins) mort… Vive Kerry King !