Genre : Metal Industriel
Pays : Etats-Unis
Label : Nuclear Blast Records
Date de sortie : 01.03.2024
A quelques rares exceptions près, les genres industriels ont toujours été plutôt confidentiels. Et si les projets enthousiasmants et très différents continuent de naître et de connaître leur public de niche aujourd’hui, ils peinent toutefois à s’extirper hors de la niche des rivetheads… très cantonnés aux Etats-Unis ou à l’Allemagne de surcroît. Ministry est tout fois dans un entre-deux intéressant : on n’est pas sur le calibre d’un Rammstein ou Nine Inch Nails (bien seuls sur le podium indus finalement), mais on est tout de même sur un projet reconnu et respecté, débordant même un peu de la communauté des amoureux de grosses machines abrasives dans son aura. Il faut dire qu’on parle tout de même du premier groupe de metal industriel, tout court… Riche de plus de 40 ans de carrière tout de même. Avant Front 242, avant Skinny Puppy, avant KMFDM… Rien que ça !
Pourtant, le bébé d’Al Jourgensen (comme beaucoup de précurseurs finalement) est souvent vu comme vieillissant, un peu paresseux et moins incisif dans ses textes qu’autrefois. L’amour pour les débuts est toujours là… Mais rares sont ceux qui célèbrent encore une nouvelle sortie de la pourtant toujours pléthorique production du sextet américain. Comme pour KMFDM, comme pour beaucoup d’anciens… On en revient à l’éternel débat sur la pertinence de demander soit de la nouveauté, soit la fougue d’antan à des groupes n’ayant plus rien à prouver. Mais il serait aussi malhonnête de ma part de prétendre que je n’avais que quelques titres anthologiques en tête au moment de chroniquer Moral Hygiene en 2021… suscitant sans doute un accueil plus clément que pour le fan absolu, sans doute un peu lassé du style Ministy-esque. Mais KMFDM proposait quelques pépites sur son dernier opus, Hyëna, après des années un peu à vide. Et même si le dernier né de Horskh est encore très frais dans ma tête… Peut-être que battre le fer tant qu’il est chaud permettra d’être plus indulgent face au groupe qui a (presque) tout créé. Ou au contraire, plus intransigeant… Verdict ?
D’emblée, les plus fervents critiques des textes engagés omniprésents sur les derniers titres pourront faire leurs valises : on reste sur des thématiques controversées, abordées de manière un peu simplistes et réductrices. On la fait rapide pour en être vite débarrassé et passer au son : Goddamn White Trash, Just Stop Oil, Aryan Embarassment, New Religion… tout l’album finalement est rancunier et énervé, tacklant toutes les polémiques à la mode, surtout au pays de l’Oncle Sam. On aimera ou pas… même en étant plutôt raccord avec la pensée de Jourgensen, on avouera que tous ces brûlots sont un peu faciles, et même un peu agaçants tant ils suscitent déjà moult discussions et divisions. Mais on ne pourrait nier qu’ils restent sacrément importants et contemporains.
Au-delà de ce grain à moudre un peu racoleur, on déplorera un petit manque d’innovation dans les rythmiques déployées pour le groupe… Mais on vous renvoie au deuxième paragraphe pour savoir ce que l’on en pense. Ministry fait désormais partie de ces groupes « réconfortants », où l’on se plonge en sachant pertinemment ce que l’on va y retrouver. S’attendre à autre chose est une cause perdue. Et selon votre profil : ce ne sera pas plus mal. On débute avec "B.D.E." (on vous laisse chercher la signification de l’acronyme), qui n’est pas dénué de force et de mordant. Omniprésence de voix enregistrée, guitare bien maousse… On est sur du pur jus, aussi cliché qu’essentiel. Même chose, en mieux et accentué sur "Goddamn White Trash" : la guitare est lourde et saturée au possible, les paroles sont répétitives et hypnotiques, et le tout est presque envoûtant et éclaté. Une grosse torpille qui fonctionne plutôt bien ! "Just Stop Oil" est plus groovy et endiablé, avec cette gratte outrancière et véloce, tronçonnant son passage au milieu d’un chant mi-chuchoté, mi-hurlé au loin. Ce jeu avec les "strates" de voix, se mêlant en un gros brouhaha énervé est plutôt sympa et illustre le titre au milieu de ses congénères… mais se termine de manière un peu abrupte pour laisser place à "Aryan Embarassment", aux débuts presque grungy ou groove metal. Le titre est froid, lourd et mécanique… de l’indus à son plus primal ! La guitare hurle pratiquement à la mort, tandis que les chœurs sonnent comme des chants militaires. Le tout s’étalant sur six minutes ! Et toujours la recette secrète pour ancrer le titre dans nos esprits, d’une façon ou d’une autre (il y en a souvent 2-3 par titre…)
Pour le reste, dans les grandes lignes, on ne va pas se mentir : cela reste bon, foutraque, énervé et puissant… mais plutôt convenu. "New Religion" transforme ses cris de rage en chœurs religieux et c’est plutôt cool. "It’s Not Pretty" est plate et chiante, c’est moins cool. "Cult Of Suffering" redevient cool avec son groove lumineux et plutôt inattendu vu la couleur de l’album. Tandis que « Ricky’s Hand » semble tout droit sortir d’un dessin animé des années 80, comme l’intro d’un quelconque super-héros devenu obscur.
Que retenir de tout cela ? Finalement pas grand-chose que l’on ne savait pas déjà : Ministry fait du Ministry, et il serait un peu malvenu de les blâmer pour ça. Des morceaux plutôt cools pour la plupart, même s’ils recyclent de la matière connue. Un ou deux titres un peu plus faiblard par ci, une ou deux chouettes idées par là… Font de "Hopium For The Masses" un énième album plutôt paumé dans l’entière discographie des américains. Mais il n’est pas plus mal qu’un autre pour découvrir l’œuvre du groupe ou alimenter votre appétit vorace de rivethead… surtout face à une offre allemande qui fait aujourd’hui froid dans le dos (et pas dans le bon sens !)