Genre : Heavy Metal
Pays : Allemagne
Label : Massacre Records
Date de sortie : 21.07.2023
Il y a des artistes dont l’histoire est plus intéressante que leur musique. C’est un peu le cas du discret quatuor derrière Velvet Viper (à ne pas confondre avec Crystal Viper… ça m’apprendra !), dont la renaissance en 2018, vingt-six ans après leur deuxième (et jusque-là dernier) opus, avait de quoi surprendre. Bien sûr, comme souvent, il ne reste pas grand-chose de la formation d’origine… Si ce n’est Jutta Weinhold, chanteuse des premiers jours, et certainement l’un des rares éléments salvateurs du groupe. Ils ont mis les bouchées doubles et même quadruples depuis lors, avec cinq nouveaux albums en encore moins d’années, dont deux rien que pour 2020. C’est donc leur sixième mouture depuis leur reformation, sobrement baptisée "Nothing Compares to Metal"… Parce qu’un cliché indéboulonnable du Heavy reste quand même de répéter à qui veut l’entendre que le metal est rassembleur, puissant et mieux que tout. Six albums en si peu de temps, dans un genre déjà bien saturé, ça ne fait pas bon présage. Et leurs pochettes très moches non plus (bon, là on devient un peu méchants… on peut aimer le kitsch !).
Ce qui saute aux oreilles d’entrée de jeu avec la plage tutélaire, c’est à quel point la musique du groupe sonne générique, presque cliché. Est-ce un manque d’ambition ? De technique ? De patience peut-être ? Difficile d’imaginer un groupe, quel qu’il soit, sortir chef d’œuvre sur chef d’œuvre avec une cadence de travail aussi effrénée. Même en débordant d’idées, il paraît peu probable d’accoucher d’œuvres léchées, millimétrées, inventives et maîtrisées en si peu de temps. Et cela ne manque pas : ce premier titre, long de six minutes (quoique les autres ne sont pas beaucoup plus courts), se veut épique, presque un hymne à notre genre favori et aux valeurs qu’il dégage. Mais si rien n’est comparable au metal, les groupes qui en ont fait leur genre de prédilection, oui. Ce premier contact est plat, manque de patate, propose un pont très quelconque et s’achève sans grandeur aucune. Aïe ! Le second titre, "Invisible Danger", ne débute guère mieux, sortant déjà la carte des "woo hoo", équivalent paresseux des "la la" de la pop. Il s’en sort toutefois avec un peu plus d’aplomb, notamment avec ce refrain dont chaque phrase débute par "Beware !". Là aussi, plutôt cliché, mais forcément toujours efficace… "Urd Wardande Skula" freine le tempo, pose son ambiance, pour une sorte de power ballad aux airs prophétiques. Le résultat n’est pas si mal, instruments comme chant parvenant à atteindre une sorte de "pas de marche", dont la lourdeur offre un effet plutôt réussi. Le pont reste convenu, mais l’honneur est sauf ! "Blood On The Moon" propose une autre curieuse idée, avec ses "hey-ya, hey-ya" presque tribaux, pour un morceau aux allures presque bicéphales… On hésiterait à le qualifier d’hymne avec son côté lumineux, mais la guitare autant que le chant de Jutta semblent lorgner vers la force, la puissance. Comme s’ils avaient changé d’avis au milieu de l’écriture.
On ne va pas tous les faire bien sûr… Citons plic-ploc "Speak Truth To Power", et son alternance de rythmes finalement plutôt réussie. Il démarre plus mastoc et véloce, bascule vers le plus langoureux et minimaliste, jusqu’à projeter son refrain avec perte et fracas. " Urd…" est l’un des titres les plus réussis de la galette. Son pont est même plutôt correct, bien qu’un peu court et classique. "Sorcerer’s Apprentice" étonne par son chant, au rythme bizarre, et sa guitare gagne quelques relents presque "punky". Le résultat est en demi-teinte, mais au moins y’a de l’essai, et le pont est à nouveau plutôt chouette… Et plus généreux ! "Heroic Hearts" est l’un des titres les plus véloces de l’album, mais son refrain freine net cette poussée d’adrénaline, comme s’il voulait pousser la musique à suivre son rythme alors qu’elle demande à libérer sa puissance. Et ce final où le chant devient une sorte de râle est pour le dire franchement : affreux. "Rise From The Fallen" est assez quelconque, pris en sandwich entre des titres plutôt similaires… si ce n’est pour ce drôle d’effet robotique sur la voix ! "The 4th Part", titre le plus long, se veut similaire à "Urd…" mais ne fonctionne pas aussi bien. Il pose aussi son ambiance, n’hésite pas à freiner pour laisser pleinement place aux instruments… Mais le chant s’en sort mieux sur le troisième titre, au moins jusqu’à la fin, où la puissance des paroles viennent redorer un peu le blason du morceau. "New World Child" suit la tendance de proposer des chansons vaguement épiques, aux paroles pas bien finaudes, mais qui sonnent bien. "Es Kommt die Zeit" se permet de conclure l’album avec un peu d’allemand, conférant évidemment une petite innovation. Vite calmée par une nouvelle power ballad reprenant les mêmes codes que les deux précédentes… Dommage. Là encore, on ne sait pas si le but est d’être grandiose et lumineux, ou puissant et menaçant.
Pour clore cette longue critique peu élogieuse, on dira que Velvet Viper est loin d’être la catastrophe industrielle qu’il paraissait être d’entrée de jeu. Il a quelques titres sympathiques… Pas mémorables, mais au moins cools à écouter. Mais en revanche, il commet peut-être le pire défaut d’un album (à part, peut-être, celui de colporter des idées puantes) : être ennuyeux. Un mauvais album peut être intéressant par ses partis-pris, par son originalité, et même être amusant lorsqu’il est catastrophique. Ici, "Nothing Compares to Metal" ne fait sourire que par l’ironie de son titre : un disque justement hautement comparable à cinq ( !!!) décennies de heavy metal. Il n’est jamais surprenant, jamais émouvant, jamais virtuose. Il est juste… convenable, et donc oubliable. Si on ne peut qu’émettre un conseil à Velvet Viper, c’est de peut-être freiner la cadence et d’essayer de se construire une vraie identité, d’oser plus. Votre retour est acté, ancré par six albums sortis coup sur coup. Peut-être est-il grand temps d’aller plus loin.